Donald Trump fait les yeux doux à l’Arabie Saoudite
En soutenant pleinement le régime saoudien, et en regroupant dans un « axe du mal » les groupes djihadistes et l’Iran, Donald Trump a officiellement rompu avec la diplomatie Obama au Moyen-Orient en redistribuant les cartes dans la région.
C’était une visite attendue. Le week-end du 20 mai, Donald Trump s’est rendu en Arabie Saoudite pour y rencontrer les dirigeants de la puissante monarchie du Golfe. C’était son premier voyage à l’étranger en tant que président de la République. Il a tenu un discours devant une cinquantaine de représentants de pays musulmans dont près de quarante chefs d’États et de gouvernements invités par le roi saoudien Salman Ben Abdelaziz Al-Saoud.
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« C’était une journée formidable, des centaines de milliards de dollars d’investissements aux États-Unis et des emplois, des emplois, des emplois » a annoncé Donald Trump en faisant référence aux contrats exorbitants signés ce week-end entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite. Le ministre des affaires étrangères Saoudien Adel Al-Jabeir a en effet annoncé des contrats et des investissements d’une valeur de 380 milliards de dollars entre les deux pays, dont 110 milliards liés à l’armement. L’agence officielle saoudienne SPA a également déclaré que 34 accords ont été signés dans le domaine de la défense, du transport aérien et du pétrole.
C’est donc un succès politique indéniable pour l’Arabie Saoudite. Dans son discours, M. Trump a fustigé les mouvances djihadistes, en appelant les pays de la région à les combattre, mais il n’a pas remis en cause le rôle sulfureux du wahhabisme saoudien, branche ultra-rigoriste de l’islam sunnite, et régulièrement accusé d’influencer les mouvements djihadistes.
En voulant éviter des « leçons de morales » aux Saoudiens, M. Trump a également passé sous silence la question brûlante des droits de l’homme dans le royaume.
Les États-Unis renouent ainsi avec l’allié traditionnel du « pacte du Quincy » de 1945, l’Arabie Saoudite. En effet, sous l’ère Barack Obama, les relations entre les deux pays étaient plutôt tendues. En témoigne l’accueil glacial réservé à l’ancien président de la première puissance mondiale il y a un de cela lors de sa visite en Arabie Saoudite. Et pour cause, M. Obama avait esquissé un rapprochement avec l’Iran, ennemi juré des Saoudiens.
« Du Liban à l’Irak en passant par le Yémen, l’Iran finance, arme et entraîne des terroristes, des milices et d’autres groupes terroristes, qui répandent la destruction et le chaos à travers la région » a ainsi déclaré le président américain. En mettant sous la même bannière du terrorisme l’État Islamique et l’Iran, Donald Trump adopte une rhétorique qui lui permet de mobiliser à la fois l’Arabie Saoudite et Israël, deux pays très inquiets de la montée de l’Iran sur la scène internationale. Quand Barack Obama avait parié sur l’influence que pouvait avoir un Iran modéré sur la scène régionale, Donald Trump invite quant à lui tous les pays à « isoler » Téhéran du reste du monde.
Élections en Iran
Et ce n’est sûrement pas un hasard de calendrier si la visite du président américain tombe le même week-end que les élections présidentielles iraniennes. Hassan Rohani, élu en 2013 a été réélu vendredi 19 mai. Il fait figure de modéré dans le paysage politique iranien et prône une ouverture de l’Iran sur la scène internationale. Et tout le paradoxe est là. Quand d’un côté, 57% des votants choisissent de réélire un président dans l’espoir de voir l’Iran s’intégrer de nouveau à l’internationale, de l’autre côté, les Saoudiens et les Américains prônent une marginalisation de Téhéran.
Le jour même, le ministre iranien des affaires étrangères Javad Zarif dénonçait dans un tweet :
« L’Iran, qui vient de tenir de vraies élections, est attaqué par le président des États-Unis dans ce bastion de la démocratie et de la modération S’agit-il de politique étrangère ou de pomper 380 milliards de dollars au roi de l’Arabie saoudite ? ».
La visite de Donald Trump en Arabie Saoudite a donc exacerbé des crispations déjà préoccupantes dans la région. Un jeu qui pourrait s’avérer très dangereux dans les prochains mois si les tensions ne descendent pas d’un cran rapidement.